Behr commença à parler, et Hitler à sa surprise, ne tenta aucunement de l'interrompre. Le jeune officier (bas, gauche) n'épargna à son
auditoire aucun détail, pas même le nombre croissant de soldats allemands désertant
pour gagner les lignes russes. De derrière le dos d'Hitler, le maréchal Keitel , hors de lui,
faisait des signes menaçants à Behr pour essayer de lui imposer silence.
Mais Behr poursuivait implacablement son effrayante description. Il avait en tête tous
les chiffres concernant le ravitaillement aérien. Hitler lui demanda s'il était bien sûr de
certains, et lorsqu'il répondit par l'affirmative, le Führer se tourna vers un général de
la Luftwaffe et l'invita à expliquer les anomalies statistiques.
Quelques officiers supérieurs tentèrent alors de désamorcer les critiques de Behr mais Hitler se révéla étonnamment compréhensif, sans doute parce qu'il
voulait apparaître comme le défenseur des combattants de Stalingrad face à l'état-major. Toutefois, lorsque Behr en
vint à la situation à laquelle devait faire face la Sixième armée, il revint, comme si rien n'avait changé, à la grande carte
piquée de petits drapeaux. Behr savait que ces drapeaux représentaient en fait des divisions ne comportant plus que
quelques centaines d'hommes.
Néanmoins, Hitler s'employa, selon, son procédé habituel, à retourner la situation, ou tout au moins le tableau qui en était présenté. Il alla jusqu'à affirmer qu'une armée blindée SS tout entière se groupait déjà autour de Kharkov, prête à frapper en direction de Stalingrad.
Je vis alors, devait-il raconter, qu'il avait perdu contact avec la réalité. Il vivait dans un monde imaginaire de cartes
et de petits drapeaux. Pour Behr qui était un jeune officier allemand nationaliste et enthousiaste cette révélation fut
un choc. C'était, déclara-t-il, la fin de toutes mes illusions sur Hitler. J'étais dorénavant convaincu que nous allions
perdre la guerre.